Collaborateur intime de l’ancien président rwandais Juvénal HABYARIMANA en faveur de qui il a rédigé une constitution ethniste, le professeur Filip REYNTJENS de l’université d’Anvers en Belgique, se caractérise, depuis la défaite du régime génocidaire en juillet 1994, par une attitude négationniste qu’il cache derrière la stature de chercheur d’université. Se déclarant spécialiste politologue et juriste de la région des grands lacs, REYNTJENS ne dit pas clairement qu’il nie le génocide commis contre les Tutsi, il prétend même qu’il n’est pas négationniste, mais en réalité, les prises de position qu’il défend appartiennent sans aucune ambiguïté à la lignée négationniste. Voici ci-après quelques faits qui caractérisent le négationnisme de ce professeur belge qui se dit expert d’un pays, le Rwanda, alors qu’il n’y a jamais mis ses pieds depuis vingt ans.
REYNTJENS, promoteur d’une constitution discriminatoire au Rwanda
REYNTJENS est l’auteur de la plus mauvaise constitution jamais vue en Afrique, celle du Rwanda en 1978. Cette constitution consacrait le pouvoir de la majorité ethnique, excluant de fait les Rwandais issus de la minorité ethnique. Cette majorité ethnique devait, selon la Constitution rédigée par F. REYJNTENS, régner sans partage dans le cadre d’un parti unique, le MRND, auquel tous les droits étaient attribués, sans aucune possibilité de multipartisme. Le préambule de cette Constitution légitimait les tueries ethniques de 1959 au cours desquelles des centaines de civils Tutsi furent tués sous l’instigation des leaders du PARMEHUTU aidés par le pouvoir colonial, et d’autres contraints à l’exil : « Considérant l’œuvre de libération entreprise par la Révolution de 1959 ». (…) « Décidé à poursuivre l’œuvre de rénovation entreprise depuis la journée mémorable du 5 juillet 1973, en vue de la sauvegarde des acquis de la Révolution de 1959. » De même, l’article 7 de cette Constitution prévoyait un pouvoir à sens unique : « Le peuple rwandais est politiquement organisé au sein du Mouvement révolutionnaire national pour le développement, formation politique unique hors du cadre de laquelle nulle activité politique ne peut s’exercer. » Voilà la démocratie aux yeux de F. REYNTJENS.
Une hostilité systématique contre le FPR et contre Paul KAGAME
REYNTJENS ne cache pas sa haine et son hostilité contre le FPR et contre le président rwandais, Paul KAGAME. Il l’a publiquement dit et répété à maintes reprises. Citons quelques exemples parmi des milliers d’autres : Le 7 février 2008, se tenait une conférence à Bruxelles sur les mandats d’arrêt du juge espagnol émis contre quarante officiels rwandais les accusant abusivement de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et terrorisme commis entre le 1er octobre 1990 et fin 2002. La conférence était animée par l’avocat espagnol des parties civiles, Me Jordi PALOU-LOVERDOS, clairement connu pour ses thèses négationnistes. Présent au cours de cette conférence, soutenant les parties civiles, Filip REYNTJENS a suggéré au public que plus personne ne devrait plus donner la main au chef d’Etat rwandais, le qualifiant de voleur. Il l’a dit en ces termes : « Quelle doit être la position d’un pays partenaire du Rwanda, qui doit serrer la main du président KAGAME ? » (…) « Je serai tenté de dire : KAGAME et les quarante voleurs ! ».
Disqualification systématique des enquêtes établissant les responsabilités des extrémistes hutus dans l’attentat contre le Falcon 50
De nos jours, différents experts, y compris des experts judiciaires français amenés sur le terrain en septembre 2010 par les juges Marc TREVIDIC et Nathalie POUX, ont reconnu que le lieu du tir qui a abattu le Falcon 5o du président HABYARIMANA, se situe bel et bien dans le camp militaire de Kanombe : “Le tir des deux missiles, dont le second a abattu l’avion, a pu avoir lieu depuis le camp Kanombé, à proximité des maisons des coopérants belges. La zone de tir que nous privilégions comprend le cimetière (…) et, plus vraisemblablement, le bas du cimetière”. Ce rapport permet bien évidemment d’établir que les responsables de cet acte sont à rechercher dans l’ancienne armée rwandaise dont ses unités d’Elite étaient basées dans ce camp militaire. Depuis lors, Filip REYNTJENS qui a toujours affirmé que Masaka était LE site du tir et que c’est le FPR qui est le coupable, se trouve dans un embarras suite au discrédit que ce rapport a fait subir à ses travaux antérieurs sur la question. A l’annonce de ce rapport qui, à l’instar du rapport MUTSINZI, situent le départ des missiles dans le domaine militaire de Kanombe, REYNTJENS s’est de nouveau insurgé, le qualifiant de partial. Or, il s’agit d’un rapport d’enquête scientifique rédigé par des experts hautement qualifiés en balistique, acoustique, explosif, cartographie et pilotage, matières dans lesquelles REYNTJENS n’a aucune connaissance. S’acharner à vouloir accuser à tout prix le FPR, même lorsqu’il y a des preuves scientifiques incontestables, relève d’une logique purement partisane et profondément négationniste.
Négation de la planification du génocide commis contre les Tutsi
Entendu comme témoin-expert par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), le 14 octobre 1997, dans l’affaire de l’ancien chef des INTERAHAMWE, Georges Rutaganda qui était deuxième vice-président du comité national des Interahamwe, REYNTJENS a accusé le FPR d’être responsable du génocide commis contre les Tutsi en faisant un amalgame entre le génocide et la guerre. Il l’a dit en ces termes : “S’il n’y avait pas eu la guerre, il n’y aurait pas eu de génocide” en ajoutant que le FPR est “politiquement co-responsable” du génocide tutsi de 1994. Dans une interview au journal POLITICS, le 25 juillet 2005, REYNTJENS a déclaré que c’est le président Paul KAGAME qui a poussé les extrémistes hutu à commettre le génocide : « Kagame a délibérément développé une stratégie de la tension : c’est lui qui a mis les extrémistes Hutus sur le sentier du génocide ; l’extermination des Tutsis résidant au Rwanda n’était pour lui qu’un calcul tactique pour qu’il puisse prendre le pouvoir. Une confirmation de cette hypothèse rendrait le FPR et son chef juridiquement responsable du génocide de 1994[1] ». Cette manière d’inverser les responsabilités en faisant du FPR un acteur dans la provocation du génocide commis contre les Tutsi est l’un des arguments majeurs qu’utilisent les négationnistes. Ils oublient que tout génocide exige l’intention de le commettre et que, s’agissant du génocide des Tutsi, l’élément intentionnel a été prouvé et consacré par le TPIR de façon définitive.
Le 3 mai 2007, Filip REYNTJENS témoignait devant la Cour d’assises de Bruxelles qui jugeait le major ex-FAR Bernard NTUYAHAGA pour l’assassinat en avril 1994 à Kigali des dix casques bleus belges. Interrogé par l’avocat de NTUYAHAGA sur les “preuves matérielles” de l’organisation du génocide, REYNTJENS nia la planification du génocide en ces termes : “par définition, nous n’aurons pas de preuve d’une planification car il n’y a pas de PV de réunions ou de témoignages, à ce jour convaincants, de personnes qui auraient fait partie d’une structure de commandement parallèle.”
REYNTJENS et la thèse du double génocide
Les 2 et 3 juin 2014, je participais dans un colloque à La Haye intitule « International Decision Making in the age of Genocide : Rwanda 1990-1994 ». Ce colloque était conjointement organisé par la fondation américaine « United States Holocaust Memorial Museum » sis à Washington et par l’Institute for Global Justice installe à La Haye. Durant ce colloque, REYNTJENS a tenté vainement, à de multiples reprises, à orienter les débats vers un négationnisme des plus ourdis. Il a souvent pris la parole pour suggérer que tous les éléments sur le génocide des Tutsi sont tous connus, qu’il ne fallait pas y revenir, mais qu’il faudrait plutôt discuter en profondeur sur le génocide commis, selon lui, par le FPR sur des Hutu au Rwanda et en République Démocratique du Congo. Il était soutenu dans cette démarche par certains Rwandais invités à ce colloque comme Jean Marie Vianney NDAGIJIMANA[2] et James GASANA[3], et par quelques acolytes blancs, notamment le professeur André GUICHAOUA, Hubert VEDRINE[4] et Johann SWINNEN[5]. Les organisateurs du colloque n’ont pas donné de réponse satisfaisante à REYJNTENS et voyant que sa stratégie négationniste n’aboutissait pas, il a plié bagage et il est rentré. Notre présence ne l’a pas permis d’influencer ce colloque à selon ses prises de position.
La négation du caractère criminel du cercle présidentiel, l’AKAZU
Le 16 septembre 2004, REYNTJENS était cité comme témoin expert du parquet dans l’affaire BAGOSORA. Le parquet alléguait que les membres de l’AKAZU étaient contre les accords de paix d’Arusha en soulignant que pour eux, toute concession politique signifiait l’abandon du pouvoir et la perte de nombreux privilèges et d’importants bénéfices. La défense de BAGOSORA plaidait que l’accusé n’avait jamais été membre de l’AKAZU. REYNTJENS déclara en faveur de BAGOSORA qu’avoir été membre de l’AKAZU n’est pas un crime : « Etre membre de l’AKAZU n’est pas une offense ou un crime devant ce Tribunal ». Ces propos de F. REYNTJENS signifient clairement que les escadrons de la mort qu’il a lui-même dénoncés à une certaine époque, n’ont commis aucun crime au Rwanda, ce qui est évidemment un mensonge grossier.
La tentation d’influencer les décisions judiciaires du TPIR
Le 30 novembre 1999, F. REYNTJENS était entendu comme témoin expert dans le procès Georges RUTAGANDA. Il a alors introduit une déclaration au titre d’amicus curiae (ami de la cour) devant la chambre de première instance 1 qui devait rendre son jugement dans cette affaire le 6 décembre 1999. REYNTJENS a recommandé aux juges de ne pas condamner RUTAGANDA alors qu’il intervenait comme témoin cité par le Procureur du TPIR. Il l’a dit en ces termes : “je m’inquiète de l’apparence qui pourrait être créée si, dans les circonstances du moment, le Tribunal était amené à prononcer un verdict de culpabilité et la détermination d’une peine dans l’affaire Rutaganda ” (…) ” un prononcé fait dans les circonstances du moment risquerait de porter un préjudice grave à la perception d’indépendance et d’impartialité du TPIR.” A la même occasion, REYNTJENS s’insurgea contre l’accréditation du représentant du Rwanda au TPIR : “pareil représentant n’aurait jamais dû être accrédité, puisque des autorités de l’Etat rwandais pourraient à l’avenir faire l’objet de poursuites[6]“.
Le 22 novembre 2007, Filip REYNTJENS est, cette fois-ci intervenu pour défendre l’ancien bourgmestre de Ngoma, Joseph KANYABASHI. Il a alors nie que l’autorité de KANYABASHI n’avait aucunement participé au génocide : « Rien n’indique que Kanyabashi approuvait les massacres de Tutsis. Sinon, je ne serais pas (venu) ici devant vous. » (…) « Kanyabashi n’a pu être associé à la planification du génocide au Rwanda et à Butare, en particulier ». (…) « au vu de la situation telle qu’elle se développait à Butare, à partir du 19 avril (1994) au plus tard, et de la réalité du contrôle physique dans la commune (Ngoma) il aurait été impossible pour Kanyabashi de s’opposer de façon effective et visible aux forces engagées dans le génocide. Non seulement n’en avait-il pas les moyens physiques, mais il aurait payé de sa vie toute velléité dans ce sens ». Tous ceux qui connaissent la ville de Butare savent bien sûr que KANYABASHI était un bourgmestre puissant qui avait tous les moyens pour empêcher le génocide. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les juges de première instance du TPIR ont reconnu sa responsabilité dans la préparation et l’exécution du génocide et l’ont condamné à une peine de trente-cinq ans de prison.
REYNTJENS et le fonds de commerce du génocide
- REYNTJENS a répété dans ses écrits et ses paroles publiques que le FPR se sert du génocide commis contre les Tutsi pour assoir sa légitimité politique. Exemple : dans un document publié en destination du TPIR dès le début de ses travaux judiciaires, en 1995, REYNTJENS a écrit : « Pour le régime actuel de Kigali, le génocide contre les Tutsi est devenu un atout politique qui sert à faire admettre par la Communauté internationale ses propres violations du droit humanitaire et à légitimer une gestion dictatoriale.[7]». REYNTJENS tentait de mettre ainsi le TPIR sous pression pour qu’il mette sur le même pied d’égalité les auteurs du génocide commis contre les Tutsi et ceux qui l’ont arrêté.
REYNTJENS et le soutien au négationniste Pierre PEAN
Le 26 septembre 2008, le procureur de la République de Paris, Anne DE FONTETTE, a requis devant le Tribunal correctionnel de Paris, la condamnation de Pierre Péan que le Parquet poursuivait pour diffamation raciale et incitation à la haine raciale à la suite de la publication de son livre très contesté « Noires fureurs, blancs menteurs ». Dans ses réquisitions, le Procureur considérait que Pierre Péan n’avait pas pris suffisamment de “réserves” ou de “distanciation” dans son ouvrage susmentionné. Invité par le Tribunal pour donner son éclairage scientifique sur la teneur et la signification de tels propos dans le contexte rwandais, REYNTJENS soutint PEAN en disant que certaines pages du livre étaient des “assertions brutales et péremptoires sur un thème qu’on doit aborder avec prudence” sans rien dire sur le degré de leur brutalité et quelle est leur signification dans la culture rwandaise. REYNTJENS a omis délibérément de donner ces précisions importantes pour éviter que les juges ne comprennent la gravite des propos de Pierre PEAN qui avait soutenu dans cet ouvrage que les Tutsi avaient la culture du mensonge et de la dissimulation.
CONCLUSION
Ces quelques faits sur les actes inadmissibles de F. REYNTJENS que j’ai pris à titre d’illustration prouvent suffisamment que ce Monsieur n’a rien d’un expert scientifique sérieux. C’est purement et simplement un nostalgique de la politique discriminatoire de l’ancien régime rwandais, pour lequel il a rédigé un instrument constitutionnel de triste mémoire qui a appuyé la politique ayant conduit au génocide commis contre les Rwandais Tutsi. C’est cela qui explique sa haine contre le FPR et qui l’incite à s’activer dans un négationnisme ourdi qui défend l’indéfendable.
Rappelons, en guise de conclusion, que le TPIR a établi que les tueries commises au Rwanda en 1994 constituaient un génocide qui a été dirigé contre le groupe ethnique tutsi. Les juges l’ont établi en ces termes : « parallèlement au conflit, un génocide contre le groupe Tutsi a bien été perpétré » (…) « l’exécution de ce génocide a probablement pu être facilitée par le conflit, en ce sens que les combats contre les forces du FPR ont servi de prétexte à la propagande incitant à commettre le génocide contre les Tutsi, en faisant un amalgame entre combattants du FPR et civils tutsi, à la faveur de l’idée bien relayée par les médias selon laquelle chaque Tutsi aurait été un complice des Inkotanyi ». (…) « Il importe de souligner que le génocide contre les Tutsi, bien qu’il ait été concomitant au conflit susmentionné, est évidemment d’une nature fondamentalement différente de celle du conflit[8] “.
Cette jurisprudence a été consacrée par la même juridiction de façon définitive, le 16 juin 2006, dans l’affaire KAREMERA comme un fait de notoriété publique qui n’est plus discutable. N’en déplaise au professeur REYNTJENS, tel est la vérité des faits.
Par Dr BIZIMANA Jean Damascene –Kigali, 15 novembre 2014
[1] Politics, 25 juillet 2005
[2] Ancien ambassadeur du Rwanda en France 1990-1994, puis éphémère ministre des affaires étrangères du Rwanda de juillet à septembre 1994. Il a fui le Rwanda en apportant une somme de deux cent mille dollars du trésor public rwandais qu’il a volée.
[3] Ancien ministre de la défense sous la dictature du régime de Juvénal HABYARIMANA et, à ce titre, co-responsable de la préparation minutieuse du génocide commis contre les Tutsi en 1994
[4] Ancien secrétaire général de la présidence de la République française de 1991-1995
[5] Ancien ambassadeur de Belgique au Rwanda de 1990 à 1994.
[6] Hirondelle, 30 novembre 1999, « UN EXPERT RECOMMANDE AU TPIR DE SURSEOIR AU JUGEMENT RUTAGANDA »
[7] S. DESOUTER, F. REYNTJENS, « Les violations des droits de l’homme par le FPR/APR. Plaidoyer pour une enquête approfondie, Anvers, Juin 1995, p.4
[8] TPIR, Jugement AKAYESU, 2 septembre 1998
